Biographie

« De Mathan, de plus
en plus en progrès, apporte aujourd’hui, dans ses croquis et aquarelles
d’audiences, une liberté, une verve, un brio, un emportement extrêmes ».
Louis Vauxcelles,
« Au Grand Palais, le Salon
d’Automne », Gil Blas,
30 septembre 1907.
« Raoul Hue de Mathan se distingue par un amour profond de la lumière. Avec son pinceau, tout apparaît clair, les couleurs se fendent, s’atténuent sans jamais se heurter. Ses expressions coloriées résultent d’une gamme délicate un peu ‘crémeuse’ dont on a uniquement garni sa palette ; elles sont l’attestation d’une sentimentalité très manifeste. Il n’y a sans la simplicité voulue des attitudes, des personnages, dans la tonalité générale des sujets et de l’atmosphère, une manifestation de sérénité constante, une imprécision voulue, une mesure indéfinissable dans les graduations qui forcent l’attention ».
A.P., « à la galerie Maury. Exposition Raoul
de Mathan », Petit Havre, 12 octobre 1928.
Raoul de Mathan est né le 11 mars 1874 à Albi, quatrième enfant de Marie-Louise Bathilde de la Tour et de René Hüe de Mathan alors sous-préfet de Bagnères-de-Bigorre. Suite à une chute dans un bassin à l’âge de trois ans, l’enfant contracte une pneumonie double qui laissera comme séquelle une endocardite. En 1879, la famille déménage à Brest pour répondre au souhait du jeune Raoul de devenir marin. Il décide par la suite de préparer l’école navale mais une forte myopie révélée lors de l’examen physique condamne ses ambitions. Le marquis de Chennevières appuie le jeune Raoul qui souhaite se consacrer à la peinture et parvient à convaincre sa famille. Il part alors pour Paris, à l’âge de 20 ans, s’installer à Montmartre pour suivre les cours de Gustave Moreau à l’Académie des Beaux-Arts. Durant quatre années au sein de cet atelier, il côtoie Lehmann et Rouault (amis particulièrement proches), ainsi que Desvallières, Flandrin, Manguin, Marquet et Matisse. Sur la butte, il se lie également avec Dufy, Friesz, Girieud et Puy.

Durant cet apprentissage, il s’entraine en copiant les maîtres exposés au Louvre comme Holbein, Poussin, et Rembrandt. D’abord influencé par certains caricaturistes comme Daumier ou Toulouse-Lautrec (dont il est parent éloigné), il développe ensuite une première période qui sera dite « paysanne » en représentant des travailleurs de la campagne. Il traite après avec dextérité des scènes de tribunaux dont il capture les visages sur le vif. Il sera souvent associé aux Fauves pour ses choix de coloris audacieux. Suite à quelques voyages autour de la Méditerranée, il stylise des formes en les géométrisant, sans néanmoins s’orienter vers le cubisme. Toute sa vie, il est resté fidèle à un style personnel, moderne, où la touche maîtrisée est au service d’une palette chromatique synthétisant l’héritage impressionniste et fauve, renforçant les constructions solides de chaque composition.

En août 1914, il est affecté au camouflage, comme de nombreux autres artistes. Cinq ans plus tard, son père, le baron René Hüe de Mathan, décède. Le peintre décide alors de se retirer à la campagne avec Louise de Vigan qu’il a épousée au Havre, après avoir hérité du domaine familial. S’ouvre ensuite une période durant laquelle il semble moins investi dans la peinture. Il s’engage dans la politique locale en devenant conseiller municipal de la ville de Saint-Lô. En 1920, le couple donne naissance à Antoinette, puis en 1924 à Louis qui décède en bas-âge, et enfin en 1929 à Louise de Mathan.

En 1935, il souffre de la cataracte mais continue à peindre jusqu’à sa mort en 1938.

Raoul de Mathan a été très souvent exposé et régulièrement salué par les critiques majeurs de son époque. Il présente sa « Tête d'idiot » à la Société Nationale des Beaux-Arts dès 1897, et y montrera régulièrement son travail jusqu'en 1906. Ses œuvres sont également accrochées au Salon d'Automne et au Salon des Indépendants de manière récurrente. Au Havre, où il s’est marié, il est présent les trois premières années de l’influent Cercle de l'Art Moderne, où il est aussi cité en 1914. Raoul de Mathan était de plus très bien représenté en galeries, il n’expose qu’une fois chez Georges Petit mais près d’une dizaine à la Galerie B.Weill, et tous les ans de 1908 à 1936 à la Galerie Druet.

François de la Taille, petit-fils de Raoul de Mathan, a très tôt manifesté un intérêt pour la peinture de son grand-père et décida dès lors de faire redécouvrir son œuvre en commençant par rassembler toute la documentation familiale et disponible dans les différents fonds d’archives publiques. Il gère depuis le patrimoine du peintre et s’applique à raviver le souvenir du talent de son aïeul de nos jours quelque peu oublié.

Un premier jalon dans la reconnaissance du talent de l'artiste a été posé par Caroline Bayart Mondié qui a soutenu son DEA sur la question du fauvisme dans la peinture de Raoul de Mathan, en 2002 à la Sorbonne Paris I. En 2014, François de la Taille avec l’aide de Marianne Le Morvan, historienne de l’art et biographe de Berthe Weill, œuvre à une meilleure visibilité du patrimoine du peintre à travers de nombreux projets.